Texte d'étude : Virgile, Géorgiques, IV, 200-218
Le livre IV des Géorgiques de Virgile est consacré aux abeilles
Verum ipsae e foliis natos, e suavibus herbis
ore legunt, ipsae regem parvosque Quirites
sufficiunt aulasque et cerea regna refigunt.
Saepe etiam duris errando in cotibus alas
attrivere ultroque animam sub fasce dedere :
tantus amor florum et generandi gloria mellis.
Ergo ipsas quamvis angusti terminus aevi
excipiat, neque enim plus septima ducitur aestas,
at genus immortale manet multosque per annos
stat fortuna domus et avi numerantur avorum.
Praeterea regem non sic Aegyptus et ingens
Lydia nec populi Parthorum aut Medus Hydaspes
observant. Rege incolumi mens omnibus una est;
amisso rupere fidem constructaque mella
diripuere ipsae et crates solvere favorum.
Ille operum custos, illum admiruntur et omnes
circumstant fremitu denso stipantque frequentes
et saepe attollunt umeris et corpora bello
objectant pulchramque petunt per vulnera mortem.
Vocabulaire des mots soulignés
cos, cotis, f : la pierre erro, as, are : errer ala, ae, f : l'aile
adtero, (attero), trivi (terui), tritum, ere : frotter contre mel, mellis, n : le miel
genero, as, are : produire
Traduction
En vérité, les mères elles-mêmes recueillent de leur bouche leur progéniture
dans les feuilles et les tendres herbes, elles-mêmes approvisionnent le roi
et les petits citoyens et reconstruisent la cour et le royaume de cire.
Souvent, même, elles abîment leurs ailes en les frottant contre des pierres irrégulières,
et en outre elles rendent l'âme du fait de leur récolte :
si grands sont leur amour des fleurs et la gloire de produire du miel.
Donc, bien que le terme de la vie les accueille rapidement,
et qu'il ne s'étend pas au-delà de sept étés,
leur race immortelle se maintient et la fortune de la lignée dure
de nombreuses années; et on peut dénombrer les aïeux des aïeux.
En outre, ni l'Egypte, ni l'immense Lydie,
ni les peuples des Parthes, ni le Mède de l'Hydaspe
n'obéissent à leur roi comme elles. Lorsque le roi est sain et sauf,
un esprit suffit pour tous. S'il meurt, le serment est rompu,
et elles-mêmes mettent en pièces les constructions de miel,
détruisent l'architecture des rayons de miel.
Il est le gardien de tout leur travail, elles l'admirent et tous
l'entourent en un bourdonnement incessant,
elles font nombre autour de lui en rangs serrés,
et souvent elles le chargent sur leurs épaules et
exposent leurs corps durant la guerre;
elles cherchent, à travers des blessures, une belle mort.
Questions
1- Revoir la formation du gérondif et observer les mots soulignés.
2- Relevez dans le texte des verbes au passif.
3- Quelles sont, selon Virgile, les qualités des abeilles ?
Textes complémentaires :
Les abeilles ont inspiré un autre auteur : Phèdre (15-50)
Des abeilles au haut d'un chêne avaient fait leurs rayons; ces rayons, des bourdons fainéants disaient qu'ils leur appartenaient. Le différend fut porté au tribunal et la guêpe le jugea. L'une et l'autre espèce lui étant connue à merveille, voici le moyen de décision qu'elle proposa à l'acceptation des deux parties : "Votre corps n'est pas sans rapport, vous avez la même couleur; de sorte qu'un doute extrême sur la question s'est élevé à juste titre. Mais pour que ma religion n'ait pas à se reprocher un tort involontaire on va vous donner des ruches; faites couler le miel dans des canaux de cire, afin que le goût du miel et la forme des rayons nous éclairent sur ceux qui sont présentement en litige, et que leur ardeur se révèle." Les bourdons refusent; les abeilles agréent l'arrangement. Alors la guêpe mit fin au différend par cette sentence : "On voit manifestement qui n'est pas capable et qui a une longue pratique. C'est donc aux abeilles que je restitue le fruit de leur travail".
J'aurais passé cette fable sous silence, si à l'engagement contracté les bourdons n'avaient pas été infidèles.
Voici, quelques siècles plus tard, la fable de La Fontaine
A l'œuvre on connaît l'Artisan.
Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent :
Des Frelons les réclamèrent;
Des Abeilles s'opposant,
Devant certaine Guêpe on traduisit la cause.
Il était malaisé de décider la chose.
Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée, et tels que les Abeilles,
Avaient longtemps paru. Mais quoi ! dans les Frelons
Ces enseignes étaient pareilles.
La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière
Entendit une fourmilière.
Le point n'en put être éclairci.
"De grâce, à quoi bon tout ceci ?
Dit une Abeille fort prudente,
Depuis tantôt six mois que la cause est pendante,
Nous voici comme aux premiers jours.
Pendant cela le miel se gâte.
Il est temps désormais que le juge se hâte :
N'a-t-il point assez léché l'Ours ?
Sans tant de contredits, et d'interlocutoires,
Et de fatras, et de grimoires,
Travaillons, les Frelons et nous :
On verra qui sait faire, avec un suc si doux,
Des cellules si bien bâties. "
Le refus des Frelons fit voir
Que cet art passait leur savoir ;
Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties.
Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès !
Que des Turcs en cela l'on suivît la méthode !
Le simple sens commun nous tiendrait lieu de Code ;
Il ne faudrait point tant de frais ;
Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge,
On nous mine par des longueurs ;
On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge,
Les écailles pour les plaideurs.
Vocabulaire à retenir ergo : donc folium, ii, n : la feuille genus, generis, n : race, espèce, famille ipse, ipasa, ipsum : en personne, soi-même mens, mentis, f : esprit, intelligence, raison peto, is, ere, petivi, petitum : chercher à obtenir praeter / praeterea : en outre regnum, i, n : royaume, royauté, autorité saepe : souvent suavis, e : doux, agréable verum : mais en vérité vulnus, vulneris, n : la blessure
accueil général - accueil latin